La fermeté de l’euro pénalise le prix du blé et du maïs en Europe
La fermeté de l’euro face au dollar pèse sur la compétitivité des céréales européennes. Mais le regain des tensions en mer Noire cette semaine est venu soutenir les cours, notamment du blé. Et le marché du colza, qui reste très volatil, rebondit face à des perspectives de production en baisse.
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La rupture entre Donald Trump et Elon Musk dégrade encore plus la confiance des opérateurs financiers envers les États-Unis et le dollar. Dans ce contexte, l’euro par rapport au dollar s’installe de nouveau au-dessus des 1,1400 et retrouve ses plus hauts depuis trois ans. Si ce facteur pénalise les matières premières européennes, le regain de tensions en mer Noire apporte toutefois un léger soutien notamment au blé.
Rétention des producteurs et tensions géopolitiques
La situation est partagée sur le marché du blé. Le repli des cours des dernières semaines a toutefois été endigué avec une légère progression hebdomadaire de 2 €/t, à 202 €/t base juillet rendu Rouen. Les producteurs français comme les autres producteurs d’Europe et de la zone de la mer Noire se montrent toujours peu vendeurs. Dans le même temps, les opérateurs financiers très vendeurs jusqu’alors sur les marchés à terme d’Euronext et de Chicago se montrent plus prudents face au regain de risques géopolitiques en mer Noire. Des représailles russes restent attendues après les derniers succès des drones ukrainiens.
Quelques points d’attention émergent au niveau des grands pays producteurs de blé. Les rendements des zones non irriguées en Chine déçoivent fortement après un printemps très sec. Aux États-Unis, des pluies diluviennes sur le sud des Grandes Plaines menacent la qualité des blés HRW. En Australie, Abares a publié une première prévision officielle de production pour 2025 à 30,56 millions de tonnes contre 34,11 millions de tonnes en 2024. Enfin en Ukraine, le ministre de l’Agriculture se montre pessimiste en prévoyant une récolte de blé en 2025 de 20 millions de tonnes seulement. Du côté de la demande, l’Égypte cherche à sécuriser des volumes pour la récolte de la campagne de 2025.
La progression des prix est toutefois pénalisée en France par le regain de fermeté de l’euro face au dollar qui s’installe de nouveau au-dessus des 1,1400. Pendant ce temps, les origines de la zone de la mer Noire demeurent les plus compétitives sur la nouvelle récolte. En l’absence d’accident climatique majeur, les perspectives fondamentales sur le marché mondial du blé pour la nouvelle campagne demeurent confortables et freinent l’appétit des acheteurs internationaux.
Les récoltes sud-américaines de maïs rassurent
Le marché du maïs demeure à la baisse en France. Les cours perdent ainsi 3 €/t supplémentaires sur la semaine pour tomber à 180 €/t base juillet rendu Bordeaux. Un niveau de prix qui n’avait plus été observé depuis avril 2024. Concurrencé par les faibles niveaux du prix du blé, le maïs cherche ainsi à attirer davantage de demandes. Sur la scène internationale, l’arrivée d’abondantes récoltes sud-américaines rassure largement les opérateurs. La safrinha brésilienne semble en effet de plus en plus prometteuse et de nombreux analystes remontent leurs perspectives de production au Brésil vers les 135 millions de tonnes.
Après un flux d’importations massif de maïs américain vers l’Union européenne, les maïs argentins et surtout brésiliens pourront donc facilement prendre le relais dans les prochains mois. Le flux d’importations dans l’Union européenne sera d’autant plus favorisé que la parité de l'euro par rapport au dollar poursuit son chemin à la hausse à plus de 1,1400 désormais.
Bien que les exportations américaines de maïs soient toujours très fortes pour la période avec encore près de 1 million de tonnes vendues la semaine passée, le marché se concentre surtout vers la nouvelle campagne. Le ministère de l’Agriculture américain USDA a publié lundi 2 juin 2025, une avancée des semis américains de 93 %, conforme à la moyenne, et une progression de l’état des cultures de +1 % à 69 % « bons à excellents », ce qui a rassuré les opérateurs.
En France également, l’état des maïs est rassurant avec 85 % « bons à excellents » cette semaine, comme la semaine passée, et contre 80 % l’an passé à cette date.
Des inquiétudes chez les grands exportateurs de colza soutiennent les cours
Alors que les stocks de fin de campagne chez les principaux exportateurs et dans l’Union européenne atteignent des niveaux particulièrement faibles, le marché du colza se montre toujours volatil et sensible à tout élément d’inquiétude portant sur les prochaines récoltes à venir.
Si l’arrivée de nouvelles pluies dissipe les quelques craintes liées au sec sur le nord de l’Europe, la situation est sous surveillance chez les exportateurs pour 2025. En Ukraine, le ministre de l’Agriculture s’est montré pessimiste cette semaine en annonçant une chute de production de colza en 2025 de 600 000 tonnes, soit près de –17 % sur un an. Cela après les épisodes de sec et de gel du printemps.
En Australie, la première estimation officielle d’Abares pour la production de canola de 2025 est également en baisse à 5,7 millions de tonnes, contre 6,1 millions de tonnes l’an passé. Les pluies restent insuffisantes sur les États de l’Australie-Occidentale et de l’Australie-Méridionale. Au Canada, après un mois de mai particulièrement sec, le premier crop-rating de la saison dans le Saskatchewan ressort sur un niveau de 57 % des canolas jugés « bons à excellents » soit largement plus bas que les 87 % de l’an passé à cette date.
Ces éléments qui se sont succédé tout au long de la semaine permettent à la graine de colza de reprendre le chemin de la hausse en affichant un rebond hebdomadaire de 9 €/t, à 482 €/t Fob Moselle. La situation est toutefois plus timorée du côté de l’huile de colza, pénalisée par une faible demande et par la fragilité des huiles de palme et de soja.
Lourdeur des prix des tourteaux de soja
Les cours du tourteau de soja délivré Montoir ont retrouvé au milieu de la semaine leurs récents points bas des 330 €/t. Cette faiblesse s’explique par une trituration européenne record et des importations massives, dans un contexte mondial de fortes disponibilités. En Amérique du Sud, les récoltes sont historiques, avec près de 170 millions de tonnes attendues au Brésil et plus de 80 % des surfaces déjà récoltées en Argentine. Ces volumes alimentent un marché mondial déjà bien approvisionné.
Quelques légères incertitudes apparaissent toutefois du côté de la prochaine récolte américaine. Le rapport de l'USDA de lundi soir fait ainsi état d’une avancée des semis de soja à 84 % contre 85 % en moyenne. Tandis que le premier crop-rating de la saison en soja est ressorti à 67 % de « bons à excellents » contre 68 % en moyenne pour la première notation.
Sur le plan géopolitique, Donald Trump a pu s’entretenir au téléphone avec son homologue chinois Xi Jinping ce jeudi, ce qui ouvre la porte à une reprise des négociations commerciales entre les deux pays et apporte un peu de soutien sur les cours de la graine de soja à Chicago. Les prix de la graine de soja au départ du Brésil se montrent également plus fermes en cette fin de semaine face à une bonne demande chinoise.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : négociations tarifaires avec les États-Unis ; tensions géopolitiques en mer Noire ; évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar ; dynamisme de la demande mondiale de blé tendre ; compétitivité du blé français ; développement des cultures de printemps en Amérique du Nord.
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